mardi 20 décembre 2011

Pour un logement social accessible ET de qualité !


 
En cette fin d’année, il nous paraît important de remettre le dossier du logement public à l’ordre du jour. 

En effet, de nombreux problèmes sont à pointer, et ce depuis de nombreuses années, voire des décennies, à ce sujet dans la région de Charleroi : consommation d’énergie excessivement élevée, taille des logements inadéquate par rapport aux besoins, manque de logements, logements financièrement peu accessibles pour les catégories sociales les plus fragiles, manque de moyens d’entretien et d’investissements dans le chef des sociétés de logements de service public, manque de logements d’insertion ou de transit, etc. 


De plus, la dégradation du cadre de vie dans de nombreux quartiers (manque de propreté, mauvais état des voiries, espaces verts publics insuffisants…) donne aux habitants une mauvaise image de leur environnement et donc, de leurs conditions de vie. 

Tout n’est cependant pas totalement noir. Des initiatives ont déjà permis d’améliorer certaines situations, et la réforme du Code wallon du logement initiée par Jean-Marc Nollet amènera encore davantage d’avancées dans le domaine du logement public.

L’action d’ECOLO Hainaut et de la régionale Ecolo de Charleroi nous donnent une occasion de refaire le point sur les constats et solutions mises en Å“uvre par Ecolo dans le domaine.

Le nombre de logements et les locataires
Dans notre province, on compte plus de 10.000 demandes en attente.

Ceci dit, le Hainaut possède le plus haut taux de logements publics en Wallonie et plus particulièrement à sur l’arrondissement de Charleroi avec un taux de logements publics relativement haut par rapport aux autres arrondissements de la province.

Au niveau intra-régional, de fortes disparités existent aussi : Farciennes (27,6%) suivi de Aiseau (16,3%) et ensuite de Fontaine-l’Eveque (14,4%) sont les communes qui ont le plus de logements publics ; tandis que des communes comme Gerpinnes, Pont-à-Celles et Montigny, avec respectivement 3%, 6,7% et 5%, ont un taux très bas de logements publics.

On constate donc que ce sont les communes périphériques avec une connotation plus rurale qui sont les plus démunies en logements sociaux.

D’ici la fin de 2014, 7.000 logements publics sortiront de terre en Wallonie grâce à une participation de la Région wallonne de 65 millions d’euros par an.

è Bien entendu, ces nouveaux logements tendront vers la très basse énergie et permettront ainsi aux locataires d’alléger considérablement leur facture énergétique. Les charges des locataires représentent en moyenne 70% du loyer. C’est un investissement primordial car si le loyer est calculé en fonction des revenus ( min 20% ), ce n’est pas le cas des charges.
è 20% au moins de ces logements seront conçus pour les grandes familles ( au moins 4 chambres)
è 30% au moins de ces logements seront adaptables en fonction d’un handicap ou d’une perte d’autonomie
è Construction dans des délais raccourcis : en moyenne, 5 années s’écoulent entre la décision de l’investissement public et la réception des bâtiments. Les démarches administratives seront simplifiées, le traitement administratif de ces dossiers deviendra prioritaire et donc accéléré


La réforme du logement public entend amener les communes « Ã  la traîne » à améliorer leur offre de logements publics tout en leur accordant une certaine souplesse.

Actuellement, les communes doivent atteindre les 10% de logements sociaux sur leur territoire. A l’avenir, ces 10% seront calculés par bassins de vie et en attendant leur définition, deux communes contigües pourront les atteindre ensemble. Une condition sera toutefois un préalable à une « comptabilisation » conjuguée : les deux communes devront atteindre le seuil des 5% de logements publics sur leur territoire.  

Le non-respect de ces normes entrainera des amendes pour les communes.

La réforme prévoit également que 10% maximum des logements publics pourront être octroyés à des revenus moyens.. Deux raisons justifient cette volonté. D’une part, cela favorisera la mixité sociale. D’autre part, cela participera à l’équilibre financier des sociétés de logement.

Aujourd’hui, les candidats locataires ou nouveaux locataires dans les logements sociaux ont un revenu qui est largement inférieur à la moyenne des revenus des locataires dans les SLSP. [1]
è 10.617 euros : revenus moyens des candidats locataires
è plus 15.000 euros : revenus moyens des ménages locataires
è plus de 77% des locataires chefs de ménage : bénéficiaires de revenus de remplacement ( allocations des personnes à la retraite, au chômage, handicapées…)


Ce sont donc majoritairement des sociétés de logement en milieu urbain qui ont un patrimoine structurellement déficitaire et dont les locataires ont les plus faibles ressources qui présentent le plus de difficultés financières.

Notons, que la Carolo,  et le Foyer Marcinellois  sont à ce titre très concernés puisque ce sont 2 des 4 sociétés les plus endettées de Wallonie. Comment donc investir dans des projets, des rénovations, quand les finances ne suivent pas ?

La Région wallonne a dès lors décidé de recapitaliser ces 4 sociétés pour un montant total de 60 millions d’euros sous certaines conditions : présence renforcée de la Wallonie dans les CA, nouveaux commissaires de la SWL, élaboration d’un plan de gestion, suivi du Gouvernement wallon.

Par ces mesures, au plus une commune accueille de logements publics, au plus il est normal, et même souhaitable qu’elle ait de la souplesse dans l’affectation de ces logements pour notamment créer ou renforcer la mixité et éviter de la sorte la ghettoïsation.

La rénovation du logement     

L’état déplorable de certains logements sociaux est malheureusement une réalité : sanitaires et installation électricité plus que vétustes, isolation inexistante, châssis qui laissent passer le vent et la pluie, humidité, voire parfois insalubrité.

Ces situations, qui engendrent parfois des charges plus élevées que les loyers et impayables pour des gens avec des revenus précaires, sont bien connues dans l’arrondissement de Charleroi et proviennent notamment de la mauvaise santé financière des SLSP.

Des mesures sont prises au niveau régional pour aider les sociétés dans leur tâche de réhabilitation des logements (primes énergétiques, aides à la rénovation, Plan PIVERT)

Le programme PIVERT a aussi pour objectif l’amélioration de la performance énergétique des logements existants en vue de réduire les charges locatives et d’améliorer le confort énergétique de ces logements. Complémentairement aux travaux économiseurs d’énergie, les opérations peuvent comporter d’autres travaux nécessaires à la bonne habitabilité des logements en termes de sécurité et de salubrité[2] .

Il s’agit d’un investissement de 425 millions pour plus de 10.000 logements rénovés ( 2011-2014)

Le programme PIVERT a été conçu de manière à exclure des logements dont le coût de remise en état locatif serait prohibitif. Les dispositions pour l’élaboration et la mise en Å“uvre du programme PIVERT prévoient explicitement que le coût de la rénovation des logements ne peut dépasser 50 000 € par logement.

Un examen du parc immobilier avait été réalisé en 2002-2003, lors de la programmation du Programme Exceptionnel d’Investissement. A cette occasion, les SLSP avaient pu proposer la déconstruction de logements de leur patrimoine dont l’estimation du coût de travaux de remise en état locatif excédait 60.000 €.

Sur la base des demandes des SLSP, 1.743 logements en Wallonie (on se souvient du Beaulieu à Fontaine-l’Evêque) ont fait l’objet d’un programme de déconstruction dans le cadre du PEI, avec un réinvestissement en création de nouveaux logements en compensation des logements déconstruits.

L’adaptabilité des logements     

L’évolution démographique et celle de la structure des ménages ont imprimé de profonds changements. Aujourd’hui, en Région wallonne, les familles monoparentales représentent 16,3% de la population.

En 2005, 34% des ménages étaient composés d’une seule personne alors qu’en 1991 ce chiffre n’était que de 28,9%.

De ce fait, il manque sur le marché des petits logements adaptés et abordables pour les familles monoparentales, les couples sans enfant ou les personnes seules.

On peut toutefois penser que la législation sociale (chômage et revenu d’intégration sociale) entraîne dans les faits une augmentation du nombre de personnes vivant seules parce que ces législations pénalisent les cohabitants.  L’impact de ces législations sur la demande de logements n’est certainement pas négligeable. C’est l’une des raisons pour laquelle Ecolo défend l’individualisation des droits.

Dans le même temps, il manque cruellement de grands logements pour les familles. Ce sont donc les deux extrémités de la courbe de la demande de logement qui font le plus défaut. 

Dans la réforme du Code Wallon du Logement adopté par le Gouvernement wallon, plusieurs mesures concernent cette problématique.

Une politique incitative sera mise en place pour encourager les mutations vers des logements proportionnés. Ces incitations comprendront le maintien d’un loyer équivalent au maximum au niveau du loyer antérieur si celui-ci est plus bas, du bail à durée indéterminée pour ceux qui en bénéficient, l’obtention possible de l’allocation « déménagement » et un accompagnement spécifique.

En cas de sous occupation, et pour autant qu’il y ait une offre adéquate suffisante, les mutations seront obligatoires pour les très grands logements (3 chambres et plus), soit environ 2200 logements,  à l’exception des ménages dont un membre est handicapé ou est âgé de plus de 70 ans. Les conditions de la mutation comprendront le maintien d’un loyer équivalent au maximum au niveau du loyer antérieur si celui-ci est plus bas, le passage à un  bail à durée déterminée et un accompagnement spécifique.

Une mesure réputée incitative avait été prise en 1995 à propos des logements « disproportionnés » loués par des personnes qui disposent d’un bail à durée indéterminée. Celle-ci a instauré un surloyer pour les chambres excédentaires. Paradoxalement, vu qu’elle permettait la possibilité de verser un surloyer, cette mesure n’ a pas eu l’effet escompté : la plupart des locataires concernés ont opté pour le surloyer et n’ont, du coup, pas déménagé.

Les locataires entrés depuis 2008 peuvent, quant à eux, se voir signifier leur préavis, à chaque fin de triennat, si le logement n’est plus proportionné à leur composition de famille. Cette mesure récente n’a pas encore eu d’effet significatif mais l’on constate que la plupart des SLSP se montrent réticentes à exiger le départ de locataires à qui elles n’ont pu proposer de solution de rechange.

La réforme propose un droit d’habitat pour 9 ans (renouvelable automatiquement si les conditions sont toujours remplies), avec check up intermédiaires tous les 3 ans

Ainsi, le montant du loyer sera stabilisé pour 3 ans (hors indexation) et ce, même si le locataire bénéficie d’une augmentation de revenus (par exemple lorsqu’il retrouve un emploi). En cas de diminution de revenus, la révision du loyer à la baisse pourra se faire à tout moment.

En parallèle, les subventions de création de logements seront simplifiées et adaptées pour correspondre plus étroitement aux spécificités du logement au niveau de sa capacité d’accueil. Un forfait sera établi en fonction du nombre de chambres. Exemple : un logement 4 chambres sera subventionné à hauteur de 104.000 euros contre 71.000 euros aujourd’hui.  Un coefficient multiplicateur qui pourra être revu tous les deux ans permettra d’adapter les montants à l’évolution du coût de la construction.


L’accompagnement des locataires

Les locataires des logements sociaux sont parfois en proie à des grandes difficultés financières et sociales.

Il est ainsi prévu de développer l’accompagnement social : l’ensemble des moyens destinés à proposer aux locataires une démarche adaptée à leur situation, en vue de contribuer à leur épanouissement personnel, leur insertion dans le cadre de vie et leur autonomie, ainsi qu’à assurer la compréhension et le respect de leurs devoirs contractuels.

Chaque SLSP aura l’obligation de disposer d’un référent social ( subventionné par la Région wallonne) qui veillera à ces actions d’accompagnement. Ce référent aura pour mission de mettre en réseau tous les acteurs de l’aide aux personnes et de l’action sociale. Il n’est pas ici question créer un acteur de plus mais bien, par l’intermédiaire de ce référent, de créer ou de renforcer les liens entre ces acteurs et la société de logement de service public. Dans une même idée de coordonner ce qui existe, ce référent développera également des projets pour une meilleure « façon d’habiter » avec les partenaires de terrain : comment faire des économies d’énergie ? Comment bien entretenir mon logement ?

Les acteurs sociaux auxquels il est fait référence sont les services existants dans le secteur de l’aide à la personne et de l’action sociale – services privés ou publics (CPAS, relais sociaux, écoles de devoirs, abris de nuit, service de santé mentale, maison d’accueil, services d’insertion sociale,...).

Dans le cadre de la réforme, pourra également être développée une formule de logement social accompagné. Ce logement est défini en fonction du ménage qui l’occupe. Le ménage accompagné vise certaines catégories de personnes (par exemple : ex-détenu, personnes en fin de possibilité d’hébergement  par des maisons d'accueil, femmes victimes de violences conjugales, familles en forte désaffiliation sociale ...) pouvant bénéficier d’un accompagnement social spécifique assuré par les différents acteurs ou réseaux existants.

Le référent social chargé de coordonner l’accompagnement social dans toute société de logement aura l’obligation de suivre une formation et de participer aux mises en commun d’expériences  avec les autres référents sociaux. La Société wallonne du Logement sera responsable de la bonne organisation de ce travail en réseau des référents sociaux. Dans un premier temps, ce sont 44 sociétés qui ont répondu à l’appel à projet en vue d’être sélectionnées pour l’engagement d’un référent social.

Enfin, il est prévu d‘exiger  des plans d’apurement pour les locataires qui ont quitté le logement social et qui désirent y revenir malgré une dette locative importante non apurée, ce qui permettra aux locataires, par la responsabilisation, de redémarrer une relation contractuelle sur une base de confiance mutuelle indispensable à une insertion bénéfique dans le logement.

Les autres acteurs

Les SLSP ne sont pas les seuls acteurs concernés dans le domaine du logement public. Les Agences immobilières sociales (AIS) et les Agences de promotion du logement (APL) qui prennent en gestion des logements privés ( conventionnés) sont autant de solutions pour accroitre encore l’offre de logements.

Les agences immobilières sociales sont des structures complémentaires aux logements publics qui ont pour objectif de remettre sur le marché locatif des logements du secteur privé à des prix inférieurs à ceux du marché. A ce titre, elles jouent le rôle d’intermédiaire entre un propriétaire privé et un candidat locataire en état de précarité ou à revenus modestes.

Principaux intérêts pour les propriétaires : l’AIS ou l’ APL prend en charge le versement régulier du loyer au propriétaire (même si le locataire ne paie pas). Des travaux de rénovation peuvent être subsidiés de façon importante.
Principaux intérêts pour les locataires : l’AIS ou l’APL propose une location pour un montant relativement faible par rapport au secteur privé.

Le Gouvernement wallon a adopté, le 23 décembre 2010, un dispositif d’aide à la location destiné aux logements de trois chambres et plus : « l’alloc. ». Cette aide est réservée aux logements qui sont pris en gestion par les agences immobilières sociales et les associations de promotion du logement. Cela permet de contrôler l’évolution des loyers des logements concernés par cette mesure et d’éviter que l’alloc. ne soit entièrement mangée par la marge bénéficiaire du bailleur.

Le conventionnement des logements du secteur locatif privé est une excellente piste pour faire face à la crise du logement.

Cette mission est explicitement prévue par le Code wallon du Logement puisque l’article 131.6° stipule  que la « Société de Logement de Service public  a pour missions :
« (…)
6° la prise en location ou en gestion de bâtiments pour les affecter au logement, ou de logements, selon les modalités et aux conditions fixées par le Gouvernement, après avis de la Société wallonne du logement (Décret du 20 juillet 2005, art.24, §2)»

Toutefois, le Code est muet quant au fait que les Slsp pourraient bénéficier d’aides spécifiques pour remplir cette mission.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a inséré, dans le cadre d’un décret-programme,  un article 59ter dans le Code wallon du Logement libellé comme suit : « La Société wallonne du logement peut accorder une aide à toute société de logement de service public qui prend en gestion un bien immobilier pour le donner en location à un ménage disposant de revenus moyens, modestes ou en état de précarité ».

Les SLSP ont désormais exactement les mêmes aides que les AIS et les APL afin d’accroître le nombre de logements conventionnés. Une attention particulière sera apportée aux revenus précaires afin de « compenser » le nombre de logements qui seront octroyés aux revenus moyens par les SLSP ;

Conclusions
La réforme menée sous l’impulsion de Jean-Marc Nollet et soutenue par ECOLO, tient compte des résultats issus de la consultation des chantiers du logement public. En gros, 900 millions d'euros seront dégagés entre 2010 et 2014 pour :
  • Accroître l’offre de logements, avec 10% de logements publics par bassin de vie plutôt que par commune ;
  • +/-7.000 logements seront financés entre 2010 et 2014 (les projets tendront vers la basse énergie) ;
  • Accélérer la construction de nouveaux logements grâce à l’allègement des procédures administratives ;
  • Privilégier les réalisations dans les noyaux d’habitat ;
  • Adapter l’offre de logement aux personnes âgées et handicapées : au moins 30% des nouveaux logements subventionnés devront être adaptables en fonction d’un handicap ou d’une perte d’autonomie ;  
  • Se doter d’un parc de logement répondant aux défis posés par le vieillissement et l’éclatement des familles ;
  • Favoriser les projets intergénérationnels dans le cadre de l’ancrage communal ;
  • Mettre en Å“uvre des projets de Résidences-service sociales avec logements équipés et sécurisés ;
  • Mieux accompagner les locataires. Chaque société de logement public disposera à l’avenir d’un référent social. Ce référent fera le lien avec les services d’insertion, services d’aide aux personnes âgées, maisons d’accueil, CPAS, etc.  ;
  • Stabiliser le cadre de vie des locataires ;
  • Rénover le Parc existant (performance énergétique) en améliorant l’isolation et l’efficience, avec le Plan d’Investissements Verts (PIVERT), qui totalise 425 millions d'euros (dont 325 en provenance de l'Alliance Emploi-Environnement ) ;
  • Améliorer l’efficacité de traitement des dossiers ;
  • Associer les bénéficiaires à la gestion via une plus grande  participation des Comités consultatifs de locataires et propriétaires ;
  • Favoriser l’occupation d’un logement adapté : la définition du logement proportionné sera revue (pour les personnes âgées, un logement proportionné sera un logement de 2 chambres) ; une politique incitative sera mise en place pour encourager les mutations vers des logements proportionnés ;
  • Prendre en compte le coût total du logement (y compris les charges) pour les locataires via une réforme du calcul du loyer ;
Une belle avancée pour un logement accessible et de qualité !


[1] Chiffres au 31 décembre 2009 issus du rapport d’activités 2010 de la SWL
[2] telles que définies à l’article 3 du Code wallon du Logement



 
Extrait du JT de Télésambre: